Physique des particules : fin du suspense pour l’anomalie magnétique du muon ?

L’expérience Muon g-2 du Fermilab a abouti à la mesure la plus précise à ce jour de cet étrange mouvement.

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Une équipe internationale de physiciens a livré la mesure la plus précise à ce jour de l’anomalie du moment magnétique du muon, dans le cadre de l’expérience Muon g-2 du Fermilab. Alors que les écarts relevés lors de précédentes campagnes de mesures nourrissaient l’espoir d’une possible déviation par rapport aux lois connues de la physique, les résultats récents s’alignent étroitement sur les prédictions du modèle standard de la physique des particules.

Les muons sont des particules élémentaires apparentées aux électrons, mais environ 200 fois plus massives. Ils naissent de l’interaction entre les particules à haute énergie des rayons cosmiques et l’atmosphère terrestre. En raison de leur grande pénétrabilité, supérieure à celle des rayons X, ils sont notamment utilisés pour sonder des structures inaccessibles comme l’intérieur des pyramides ou les chambres magmatiques.

Comme les électrons, les muons possèdent un spin, propriété quantique assimilable à un minuscule aimant interne. Lorsqu’ils évoluent dans un champ magnétique, leur spin se met à osciller, à la manière de l’axe d’une toupie : un phénomène connu sous le nom de précession. La vitesse de cette précession est déterminée par un paramètre appelé « facteur g ».

Le modèle standard de la physique des particules prédit que ce facteur g est très légèrement supérieur à 2, une valeur approchée initialement par Paul Dirac dès 1928. Toutefois, les interactions quantiques, prises en compte par les équations du modèle élaboré dans les années 1970, conduisent à une infime correction. C’est cette déviation, baptisée « anomalie magnétique du muon », qui est quantifiée par la formule (g-2)/2.

Un espoir de faille dans le modèle

Dans les années 1990 et 2000, les mesures menées au Laboratoire national de Brookhaven avaient mis en évidence un écart entre la valeur expérimentale et les calculs théoriques. En 2006, la précision atteignait déjà six pour dix milliards – l’équivalent de mesurer la masse d’un train de marchandises avec une marge d’erreur de dix grammes.

Face à cet écart, les physiciens ont envisagé qu’une force ou une particule encore inconnue puisse perturber la précession du muon – hypothèse alors perçue comme une brèche vers une « nouvelle physique ».

L’expérience Muon g-2 a été conçue précisément pour affiner ces mesures. « Le moment magnétique anormal, ou g-2, du muon est essentiel, car il met à l’épreuve, avec une extrême précision, la validité du modèle standard de la physique des particules », souligne Regina Rameika, directrice adjointe du Bureau de la physique des hautes énergies du Département de l’Énergie des États-Unis, dans un communiqué du Fermilab.

Les derniers résultats fournissent les mesures les plus précises à ce jour de la valeur g-2 et confirment celles des expériences antérieures du Fermilab. « C’est un résultat enthousiasmant et il est gratifiant de voir cette expérience aboutir à une telle précision », se réjouit Rameika. Ces nouvelles données s’imposent, selon les chercheurs, comme une référence durable.

muons fermi lab
Barres d’erreur pour les mesures du muon g-2, par ordre chronologique de haut en bas. © Collaboration Muon g-2

Le grand anneau magnétique de Brookhaven a été transféré au Fermilab en 2013, avec pour objectif de perfectionner l’expérience Muon g-2. Celle-ci a officiellement démarré le 31 mai 2017, après plusieurs années d’optimisation technique. En parallèle, un groupe de théoriciens a lancé le Muon g-2 Theory Initiative, chargé d’affiner les prévisions théoriques.

Les résultats initiaux de l’expérience Muon g-2 du Fermilab montraient un écart par rapport aux prédictions du modèle standard, suggérant la possibilité de phénomènes physiques encore non expliqués. En 2020, le Muon g-2 Theory Initiative avait publié une valeur théorique révisée, corroborant cette anomalie en s’appuyant sur diverses sources expérimentales. Toutefois, leurs derniers calculs ont abouti à une valeur de 0,00116592033, ce qui est très proche de la valeur expérimentale conforme au modèle standard.

Les nouvelles mesures – détaillées sur le serveur de prépublication arXiv – reposent sur les données collectées entre 2021 et 2023, auxquelles s’ajoutent celles issues des campagnes antérieures. Cela a permis de tripler la taille de l’échantillon utilisé pour les calculs.

Il s’agirait, selon les auteurs, de l’analyse de données la plus poussée du programme. Vers la fin de la deuxième phase de collecte, l’équipe est parvenue à perfectionner les réglages du faisceau de muons, réduisant ainsi les incertitudes de mesure.

Une précision record, mais une surprise qui s’efface…

Les résultats de l’équipe ont abouti à une valeur de 0,001165920705, s’approchant encore davantage des estimations du modèle standard. Ce chiffre présente une précision de 127 parties par milliard — soit, pour donner une idée, la largeur d’un pays à un grain de sable près.

Ces conclusions tendent à indiquer que l’anomalie du moment magnétique du muon ne traduit pas l’existence d’une physique encore inexplorée, comme certains le pressentaient. « Comme c’est le cas depuis plusieurs décennies, le moment magnétique du muon demeure une pierre de touche du modèle standard », déclare Simon Corrodi, physicien adjoint au Laboratoire national d’Argonne et coordinateur des analyses. « Ce nouveau résultat expérimental apporte un éclairage décisif sur cette théorie fondamentale et servira de référence pour les futurs calculs théoriques », ajoute-t-il.

Un horizon de recherches encore ouvert

De nouvelles expériences, prévues au Japan Proton Accelerator Research Complex, devraient permettre d’obtenir d’autres mesures de l’anomalie magnétique du muon au début des années 2030. Toutefois, ces dernières n’atteindront pas immédiatement le niveau de précision atteint au Fermilab, précise l’équipe du projet.

En attendant, les résultats actuels serviront de référence pendant plusieurs années. Les travaux du Muon g-2 Theory Initiative se poursuivent afin de mieux comprendre les écarts entre les différentes campagnes de mesure.

Les six années de données accumulées par l’expérience Muon g-2 pourraient également ouvrir de nouvelles pistes de recherche. Elles pourraient notamment permettre de mesurer le moment dipolaire électrique du muon, ou d’examiner d’autres propriétés encore méconnues de cette particule.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : arXiv

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